A une époque, on en voyait partout. Mais pourquoi donc
les Français fêtent-ils moins l'arrivée du beaujolais nouveau, que l'on peut
déguster depuis jeudi ?
La paille a
été étalée au sol. Les serveurs ont revêtu chemises à carreaux et tabliers. Au
café le Piquet, dans le XVe arrondissement de la capitale, l'arrivée du beaujolais nouveau
s'est fêtée jeudi dans la plus pure tradition. Pourtant, ce vin primeur connu à
travers le monde séduit de moins en moins les Français. « Ça se perd, comme
toutes les fêtes traditionnelles. Ce n'est pas la plus grosse soirée de l'année
», reconnaît Loïc Murat, gérant du Piquet. « Ce n'est plus comme avant. Il y a
quinze ans, tout le monde faisait le beaujolais nouveau », confirme Géraud
Delpuech, gérant du Lutèce (Paris VIe), qui a tout de même décidé de
proposer un menu spécial pour l'occasion.
En douze
ans, les ventes ont chuté de 62 % selon l'Inter-Beaujolais. Cette baisse de la
consommation, les producteurs l'ont ressentie. « Il y a une dizaine d'années,
j'avais parmi mes clients des entreprises qui profitaient de l'occasion pour
faire une petite fête autour d'un casse-croûte. Aujourd'hui, tout est interdit.
Et les amateurs, pensant au retour et à la route, font attention à leur
consommation d'alcool », remarque Daniel Burnichon, à la tête d'un domaine avec
son épouse, Marie-Claude.
Mais le
beaujolais nouveau a aussi pâti de sa qualité. Après des débuts timides dans
les années 1950, les ventes explosent dans les années 1980. « En augmentant les
volumes, on a affaibli le produit. La qualité a varié avec les prix à la
baisse. Ça a tiré vers le bas toute la région ; ça a masqué de belles
appellations », explique Dominique Piron, président de l'Inter-Beaujolais. «
Aujourd'hui, le beaujolais nouveau n'est plus la tête de gondole du vignoble.
Des vins de cru ont pris le devant », ajoute-t-il.
Montée en gamme
Les
viticulteurs assurent être montés en gamme. « Ça fait deux ans qu'il est
vraiment bon. Là, ça marche très bien. J'ai déjà vendu 9 bouteilles. Si c'est
comme l'an dernier, je vais devoir en recommander samedi », constate David
Sabattier, directeur du Café Buci (Paris VI e). « Les coopératives
ont amélioré la qualité. Il y a moins d'additifs et les levures sont plus
variées. Les viticulteurs doivent désormais trouver l'équilibre entre un vin
classique et un vin plus recherché », souligne Geneviève Teil, chercheuse en
sciences sociales à l'Institut national de recherche agronomique (Inra).
Et que les
connaisseurs se rassurent : la cuvée 2017 a bénéficié du temps sec et
ensoleillé de ces derniers mois. « Ce sont des fruits bien mûrs, avec une belle
concentration », observe Daniel Burnichon.
Un millésime
qui a plu aux aficionados attablés à la terrasse du Piquet. Les plus chanceux
ont même pu bénéficier de verres offerts par le patron. « On en vend deux
tiers, mais on en offre un tiers, indique Loïc Murat. Ce n'est pas une soirée
où on gagne de l'argent mais c'est l'esprit de cette fête. »
L'avis du spécialiste sur le millésime 2017
« C'est une
belle année qui, à quelques exceptions près, ne décevra pas les amateurs,
estime Thierry Desseauve, cofondateur du guide des vins Bettane + Desseauve,
dont les dégustateurs ont testé 150 échantillons de ce millésime 2017. La
véritable surprise est la diversité des vins proposés. Fini les beaujolais
nouveaux clonés et sans personnalité. Du gamay pâle infusé aux arômes de fruits
rouges jusqu'au vin coloré, épicé et aux tannins réglissés, tous les styles y
passent. »
Pour bien
choisir sa bouteille, « mieux vaut se fier aux conseils d'un caviste qui saura
orienter vers la production d'un jeune viticulteur indépendant et innovant,
conseille l'expert dégustateur Olivier Borneuf. On peut aussi y goûter dans un
bar à vins, où l'ambiance festive le rendra évidemment meilleur ! » Dans le top
10 des beaujolais nouveaux sélectionnés par le guide figurent ceux de Collin
Bourisset (4,90 €), de Jean-Michel Dupré (7,90 €) et du Domaine du Guélet (7
€).
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