samedi 5 décembre 2020

LE JEU DE LA DAME

 






Les parties d’échecs sont réelles

Il était très important pour Scott Frank et Allan Scott, les créateurs de la série, que les parties d’échecs soient réelles. Pour ce faire, ils ont consulté des experts du domaine, et ont fait notamment appel à Garry Kasparov, l'ancien champion du monde. Son objectif était que les mouvements des pions soient les plus cohérents possible à l’écran, afin d'être un maximum réaliste.

Ainsi, les parties de jeux d’échecs sont bien réelles car les acteurs ont mémorisé tous les mouvements avant de tourner les scènes.

https://biiinge.konbini.com/analyse/biiinge-dressing-jeu-de-la-dame-costumes-analyse-ehecs/



Les looks de Beth Harmon sont bien plus révélateurs que vous ne le pensez.

On ne leur prête pas autant d’attention qu’on le devrait, mais les costumes racontent pourtant une histoire dans l’histoire. S’ils savent se faire discrets au premier visionnage, c’est pour ne pas détourner notre attention du récit. Certains ont même des détails imperceptibles pour l’œil du spectateur ou de la spectatrice. Une minutie à dessein, puisque les tenues portées par les acteurs et actrices ne sont pas seulement pour notre regard, elles leur servent aussi à entrer dans le personnage, comme on enfilerait une seconde peau.

C’est ce qu’explique très bien Anya Taylor-Joy, l’interprète de Beth Harmon dans Le Jeu de la Dame sur Netflix. Lorsqu’elle a dû incarner son héroïne à différents stades de sa vie, les vêtements créés par la designeuse allemande Gabriele Binder ont joué un rôle essentiel :

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"Les costumes sont une aide considérable quand je dois me souvenir de l’âge qu’elle a. Quand vous les portez, vous le faites en pensant que c’est avec ça que votre personnage choisit chaque jour de couvrir son corps. Et pour moi, c’est très révélateur de son état d’esprit ou de ce qu’elle décide de clamer au monde. Le costume raconte beaucoup de choses."

Lorsque nous faisons la connaissance de Beth, ce jeune génie des échecs a vraisemblablement une gueule de bois carabinée. Alors qu’elle comatait dans son bain, elle se précipite à la porte de sa chambre d’hôtel où quelqu’un la prévient qu’elle est attendue. Elle s’habille en vitesse, attrape une paire de mocassins, et dévale les couloirs, se jette encore tout ébouriffée dans l’ascenseur, et déboule dans une pièce où les flashes des photographes crépitent et où bourdonnent les murmures d’hommes impatients. Beth est en retard pour le tournoi d’échecs de Paris. Mais pour vraiment savoir qui est Beth au moment de ce duel qu’elle a autant redouté qu’appelé de ses vœux, il faut revenir en arrière, à la fin des années 50.

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Elle a alors neuf ans et vient de réchapper, par miracle, d’un terrible accident de voiture qui a tué sa mère. Elle ne montre pas beaucoup d’émotions et se tient debout, dans sa robe de petite fille, son prénom brodé sur le cœur : Beth. Le vêtement nous donne donc une information essentielle pour bien commencer l’histoire. Durant les premières années de sa vie, l’enfant ne choisit évidemment pas ses tenues. Arrivée à l’orphelinat, c’est presque son identité qu’elle doit laisser de côté en revêtant l’uniforme, blanc et gris, signe de la perte de toute individualité. Sa singularité s’exprimera autrement, lorsqu’elle s’éclipse dans le sous-sol de l’établissement pour jouer aux échecs avec son mentor, l’homme à tout faire M. Shaibel.

Des années après, elle est adoptée par les Wheatley et doit de nouveau faire table rase. À l’école, Beth est moquée pour ses habits et ses chaussures, et montrée du doigt par les autres filles de l’école parce qu’elle est différente. Alma, l’épouse du couple, l’emmène alors faire du shopping. Pas de changement radical toutefois, mais un contraste plus affirmé : le col Claudine de la fillette devient pointu, et l’uniforme terne se transforme en robe d’écolière noire sur une chemise blanche. Un long manteau gris aux manches trop courtes viendra parfaire le look.

© Netflix

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Ce petit souci de taille n’est d’ailleurs peut-être pas anodin. Il semble être là pour nous rappeler que Beth, sous l’impulsion de la directrice de l’orphelinat, a menti sur son âge lors de la visite des Wheatley, sachant qu’elle avait plus de chance d’être adoptée si elle se rajeunissait un peu. Cette inadéquation entre l’âge qu’elle a et celui qu’elle est censée avoir se retrouve donc dans les manches trop justes de son nouveau pardessus. C’est en tout cas avec ce look (robe, chemise et gilet) qu’elle affrontera ses premiers adversaires en tournois. C’est également la première fois qu’elle porte du noir et du blanc, un contraste fort qui renvoie évidemment à l’échiquier. À la fin du deuxième épisode, elle montre pour la première fois un intérêt pour la mode en regardant avec envie une tenue sur un mannequin. C’est aussi la première chose qu’elle s’achète, ainsi qu’un jeu d’échecs qu’elle avait repéré plus tôt, avec son propre argent. Un vrai tournant dans la vie de la jeune Beth qui associe le jeu et la mode à une forme d’émancipation.

"En grandissant, le style de Beth change en fonction des expériences qu’elle rencontre et des voyages qu’elle fait. Au début, elle est influencée par Jean Seberg, Audrey Hepburn et Natalie Wood, entre autres" - Gabriele Binder dans Popsugar.

© Netflix

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Et puisqu’elle n’a pas beaucoup de sous, elle réutilise cette même robe aux motifs tartan, et au bustier cache-cœur, en la portant tantôt avec une chemise blanche, tantôt avec une blouse noire agrémentée d’une lavallière. Le noir et le blanc continuent d’être ses couleurs fétiche. Dans l’épisode 3, après avoir remporté plusieurs jeux, et tandis que sa mère adoptive lit ses louanges dans un journal, elle nous apparaît vêtue d’un haut lie-de-vin et d’une jupe, forcément noire, dont on devine la texture à petits carreaux. Pour la première fois, de jeunes fans lui réclament des autographes.

Un peu plus tard, au tournoi de Las Vegas, elle impressionne Townes dans une robe, toujours à petits carreaux, et toujours en noir et blanc. Mais surtout, sa frange stricte de petite fille a laissé place à une coiffure de jeune femme sophistiquée. Plus nous avançons dans les sixties, et plus le style vestimentaire de Beth s’affirme. Le clair-obscur et les damiers sont présents, de façon flagrante ou plus subtile, dans quasiment toutes ses tenues.

© Netflix

L’introduction de tons pastel vient parfois adoucir sa garde-robe, mais on revient toujours aux lignes droites et aux contrastes de l’échiquier. Ils se cachent parfois dans des détails à peine perceptibles, comme dans cette robe blanche qu’elle porte à Mexico et dont les boutons placés sur ses épaules présentent un quadrillage en leur cœur. On peut retrouver certains de ces costumes dans la magnifique exposition virtuelle du Brooklyn Museum qu’ils partagent avec ceux de The Crown. On regrette toutefois qu’elle n’offre pas la possibilité de zoomer sur certains détails.

À New York, elle s’inspire d’Edie Sedgwick et de la scène musicale du début des années 60. À Paris et Moscou, elle est déjà plus mature et ses influences viennent de la Nouvelle Vague française avec des icônes comme Romy Schneider et Juliette Gréco. Dans l’épisode 6, Beth est au plus mal. Elle affronte son adversaire le plus redoutable, Vasily Borgov, au tournoi de Paris. On la retrouve, comme elle nous avait été introduite dès la toute première séquence de la série, dans un état second. Elle lui fait face alors qu’elle souffre d’une terrible gueule de bois, et qu’elle a mélangé alcool et calmants. Elle porte une robe légère en crêpe inspirée par Pierre Cardin, dont la couleur vert-de-gris rappelle celle des gélules qu’elle ingurgite depuis son plus jeune âge.

© Netflix

Sa tenue trahit son état émotionnel et la renvoie à son addiction. Durant la partie, elle va descendre plusieurs litres d’eau à cause du stress et la de la gueule de bois. Plus que jamais auparavant, elle flanche totalement sous la pression. Un peu plus tard dans l’épisode, alors qu’elle émerge à peine de plusieurs jours d’excès, Beth apparaît avec un look qui tranche avec le reste : sa phase autodestructrice est marquée par un maquillage avant-gardiste, dont le trait d’eye-liner, radical, rappelle celui de l’actrice et mannequin Edie Sedgwick. De nouveau, elle porte cette couleur vert-de-gris, sous la forme d’un bonnet en laine cette fois. Le spectre de ses petites gélules ne l’a toujours pas quittée.

© Netflix

Heureusement, après la visite surprise de Jolene, son ancienne camarade de l’orphelinat, Beth se reprend en main. Quand on la retrouve à Moscou, elle enchaîne les tenues noires. C’est le tournoi de sa vie et face à tous ses grands maîtres d’échecs qu’elle vénère, elle veut se montrer conquérante. On la voit également arborer un sublime manteau écru et quadrillé de fines lignes noires que n’aurait pas renié le couturier André Courrèges. Beth est désormais une joueuse reconnue, et elle compte bien afficher sa confiance en elle. L’apothéose de sa réussite viendra dans le dernier épisode.

Son ultime tenue, celle de la victoire et du happy end, marque le moment où Beth est la plus heureuse. Elle a été imaginée par la designeuse Gabriele Binder pour donner à notre héroïne l’allure d’une championne. Sa silhouette blanche longiligne surmontée d’un bonnet à pompon rappelle sans équivoque celle de la fameuse pièce : la reine des échecs, c’est elle.

 




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